Education

Marc Douaire: « Réussir la refondation 
de l’éducation prioritaire »

11 décembre, 2014 à 7:20 | Posté par

L'Humanité a publié le 4 décembre 2014, trois tribunes libres sur la réforme de l'éducation prioritaire.

La nouvelle carte de répartition des 1 082 réseaux d’éducation prioritaire mobilise contre elle les exclus des réseaux, sortis du dispositif ou ceux qui n’entrent pas dans les critères du ministère 
de l’Éducation nationale. Les enseignants et parents d’élèves dénoncent la logique strictement administrative et comptable du choix des réseaux déconnectés 
des besoins réels.
"Réussir la refondation 
de l’éducation prioritaire"
par Marc Douaire, président de l'Observatoire des zones prioritaires
L’éducation prioritaire fait ­l’actualité à l’occasion de la redéfinition de sa carte. L’Observatoire des zones prioritaires est intervenu pour que des modifications soient apportées aux propositions ministérielles, notamment « les écoles orphelines ». Il est étonnant que les assises académiques de l’automne 2013 et le plan ministériel de refondation de l’éducation prioritaire en janvier 2014 n’aient pas bénéficié de la même couverture médiatique, alors que des questions fondamentales y étaient posées.
Les dernières évaluations internationales confirment qu’il y a urgence. Le système éducatif français est essentiellement tourné vers la sélection d’une élite scolaire qui s’apparente à la reproduction d’une élite sociale. Les inégalités se sont creusées depuis une dizaine d’années, avivant les tensions entre l’école et les aspirations légitimes à l’égalité des droits à l’éducation des familles, des classes populaires en particulier. Dans ce contexte de perte de confiance dans l’école publique, la labellisation « éducation prioritaire » apparaît comme l’ultime reconnaissance de leurs droits à une école plus juste. L’éducation prioritaire constituerait la réponse à tous les maux générés par l’évolution inégalitaire de la société et le fonctionnement ordinaire de l’institution scolaire. Suivre ce raisonnement conduirait à étendre à l’infini la carte de l’éducation prioritaire et, par là même, à rendre caduque toute possibilité de priorité par sa généralisation. Cela reviendrait à considérer que la scolarisation des enfants des classes populaires relèverait de l’éducation prioritaire, l’école ordinaire étant réservée aux classes moyennes et supérieures. Cela signerait la mort de l’école publique en France.
La refondation générale de l’école est à engager dès maintenant. Elle doit concerner les programmes, l’évaluation et la notation des élèves, la cohérence des actes éducatifs, le métier d’enseignant, la formation, le soutien et la valorisation du travail des équipes pédagogiques. Cette refondation doit s’appuyer sur une attribution différenciée des moyens en fonction de la composition sociale des établissements scolaires comme le réclame l’OZP depuis 2006. La refondation de l’éducation prioritaire est partie prenante de cette refondation générale. Elle doit s’adresser aux réseaux scolaires situés dans les territoires de relégation sociale pour lesquels le fonctionnement ordinaire de l’école est impossible. La refondation de l’éducation prioritaire doit reposer sur plusieurs exigences :
– affirmer le principe d’éducabilité de chaque jeune ;
– favoriser une conception de l’éducation partagée et un travail commun entre tous les acteurs éducatifs, en premier lieu les parents ;
– redéfinir la géographie prioritaire en faveur des territoires les plus marqués par les inégalités ;
– garantir un pilotage national de cette politique posée comme priorité de l’action gouvernementale et des moyens pérennes ;
– promouvoir une politique éducative et pédagogique ambitieuse s’appuyant sur les acquis de plus de trente ans d’éducation prioritaire et sur les travaux de la recherche ;
– attribuer une place centrale au premier degré, notamment à la scolarisation des enfants de moins de trois ans et au dispositif « plus de maîtres que de classes » ;
– redéfinir le métier d’enseignant en faveur d’un collectif professionnel développant les fonctions spécifiques issues de l’éducation prioritaire : coordonnateurs, enseignants référents, préfets des études.
L’OZP attend du plan ministériel qu’il réponde à ces exigences. Sa réussite constitue un impératif catégorique et le temps est compté. N’en doutons pas, réussir la refondation de l’éducation prioritaire créera une dynamique permettant de mener à bien la refondation d’une école plus juste.

Les commentaires sont fermés.